Retour sur le débat du 18 octobre 2012, organisé par le Centre du Livre et de Lecture et l’association CultureLLe, à la BU de Lettres et Langues, dans le cadre du festival Passeurs de Monde(s).

« De 5h30 à 17h nous élargissons le cercle vers une table ronde sur les politiques d’édition, notamment le Castor astral, représenté par Marc Torralba, éditeur et Marie-Eve Sténuit, auteur, et le Zaporogue, représenté par Seb Doubinsky, auteur-éditeur, et Thibaut de Vivies, auteur, rejoints par Fred Griot. »

Marc Torralba (Castor Astral):
La maison d’édition publie 40 à 50 livres par an. Marc Torralba rappelle alors en quoi consiste le travail de l’éditeur papier ; en l’occurrence le travail d’un texte et sa mise en scène en collaboration avec l’auteur. Ce travail éditorial apparaît comme essentiel dans le cheminement du livre. Comment le lecteur se retrouve dans un flux de lecture et de livres disponibles ? Les éditeurs peuvent être un repère. Le numérique froid ne permet pas cette collaboration « réelle » entre auteur et éditeur. Il rappelle le besoin d’une activité économique pour les acteurs de la chaîne du livre papier. Comment avec le développement du numérique faire vivre le livre et ses acteurs et ainsi garder le travail de l’éditeur, du libraire « traditionnel » ? Comment réagir ?
Marc Torralba a défendu pendant l’ensemble du débat, la cause de la chaîne du livre papier. On a pu sentir une certaine peur, celle de voir ses maillons disparaitre avec la « menace » du numérique. Ce pendant, il affirme qu’’il vend la plus grande partie de son stock par le biais de la plate-forme Amazon. Donc, si on va dans son sens de réflexion, la vente par Amazon serait une des causes de la disparition des libraires papier. Paradoxe.

Seb Doubinsky ( Le Zaporogue):
Le Zaporogue est un site vitrine et un site imprimerie à la demande ou téléchargement gratuit crée par Seb Doubinsky. Il s’agit d’un mélange entre « maison d’édition » au sens d’une défense et d’une mise en avant de textes et revue. Son but est de faire reconnaître la valeur de l’écrivain qu’il différencie de l’auteur, une promotion de textes à but non lucratif, sans commerce aucun, cette démarche est totalement gratuite. Avec son site, il donne une existence aux textes qui ne bénéficient pas de visibilité. Le Zaporogue a permis à 11 écrivains de trouver des éditeurs papiers. Ce site accueille des textes internationaux et francophones dans la langue d’origine, les textes ne sont pas traduits. Seb Doubinsky a pour but de défendre une écriture, un style, cependant il ne veut pas remplacer les éditeurs « traditionnels » mais plutôt les mettre en lien avec les écrivains.

Fred Griot (parl) :
Les écrivains doivent impérativement se rendre visibles, ceci peut se faire par la création de sites ou de blogs. Les écrivains avec le numérique peuvent prendre en charge leur communication. Le développement du numérique doit être vu comme une source nouvelle de création (l’ordinateur peut devenir le nouvel établi), ainsi qu’une opportunité pour les écrivains de se mettre en avant sans passer par une maison d’édition. Le problème majeur qui bloque le développement de ces possibilités est que tout les éditeurs ne sont pas prêt à passer au numérique. Il faut dès lors différencier la publication numérique de textes et l’écriture numérique où ce dernier apparaît comme un espace d’expression. On peut aussi pointer un problème du côté de l’écriture numérique sur les blogs, par exemple. Quand l’écrivain créer son blog et met en ligne ses créations, ce dernier est son seul filtre, la matière qu’il présente est brute. Cet auto-filtre demande à l’écrivain de se donner des contraintes.

Thibaut de Vives (Tentatives):
L’auteur défend une voix, un regard, le texte/voix du narrateur par le biais de son site Tentatives. Les photographies peuvent être vues comme s’apparentant au regard.

On remarque certaines inquiétudes à l’égard de la chaîne du livre. Les réponses qui ont été données, assurent que l’acte d’édition va perdurer mais va être divisé. Les écrivains et leurs textes ont besoin d’un travail de transmission. De même pour la chaîne du livre, elle va demeurer mais va se transformer pour d’adapter aux pratiques numériques. Elle comprendra de nouvelles tâches comme « maquetteur » ou webmaster, qui vont se distribuer autrement. Un nouveau support implique une autre chaîne du « livre » en parallèle avec la chaîne traditionnelle.

Fred Griot : « Faire une œuvre [sur internet], c’est faire œuvre de la montrer. »

Le point final sur lequel les intervenants se sont penchés apparaît comme l’un des enjeux les plus importants de cette évolution numérique : Comment faire lire un public qui ne lit plus (compris sous le sens d’une lecture longue et concentrée) ?

Depuis le numérique, le texte est encore présent. La langue vit et avance. Nous ne sommes pas passés à une culture de l’image, le texte et la langue restent très présents. Le développement du numérique pourrait permettre un double apprentissage de la lecture en la mêlant avec celui du papier. Désormais la culture se fait aussi par le numérique, il faut à présent comprendre les capacités de lectures : longueur, nouveaux formats, nouvelles typographies, nouvelles mises en forme… Le numérique apparaît comme une opportunité de créer de nouvelles habitudes de lectures. Les outils sont présents, il faut désormais les utiliser pour permettre une nouvelle technique d’apprentissage et de lecture.

La table ronde se termine sur un dernier point qui n’a pas pu être développé mais qui pour faire l’objet d’une nouvelle discussion, celle de la pérennité et de la traçabilité des œuvres numériques.

Lors de cette rencontre, nous avons pu remarquer la récurrence de ce débat stérile sur « Pour ou contre le numérique ». Une peur vive du développement du numérique vis-à-vis des acteurs du livre, comme si aucune cohabitation entre chaine du livre papier et un nouveau système numérique n’était possible. La question n’est pas de choisir entre lire papier ou lire numérique, mais plutôt qu’est-ce qu’il nous est désormais possible de construire avec ces nouveaux outils qui s’offrent à nous ? Voir ce que le numérique peut apporter /changer dans différents domaines comme ceux des métiers du livre bien sur, mais aussi ceux de la création ou encore de l’éducation.

 

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