Fiche de lecture

Médiations autour du livre : Développer le goût de la lecture, Collectif. Dijon : Educagri, 2007

Pour précisions, cette fiche de lecture n’a pas vocation de résumé universel et exhaustif ; elle correspond à une lecture subjective, à un instant I, avec les connaissances qui me sont propres et vont avec. Çà et là sont ajoutées des notes, lorsqu’il me paraissait intéressant d’ajouter au propos.

Médiation et animation autour du livre

On dit aujourd’hui médiation, comme autrefois animation, pour désigner les actions menées en faveur du livre, ainsi on intègre l’idée d’accompagnement du livre et de la lecture.

Définition de la médiation : notion floue et polysémique. Ethymologiquement, c’est le milieu, l’intermédiaire et le moyen. Dans le cas de la lecture et de la culture, c’est « un lien à créer entre l’institution et des publics qui fréquentent, ou non, les lieux de culture. » p. 12

D’abord simple transmission (et alors considérée comme communication) elle a ensuite impliqué une interaction. « La médiation est réellement une transformation ». p. 12 (cf Bernard Lamizet, La médiation culturelle. L’Harmattan Communication, 1995). Elle vise à relier les publics, l’institution et les collections en s’appuyant sur des actions d’animation. Mais attention, une action d’animation n’est pas forcément médiation culturelle.

Il faut aussi penser aux médiations techniques en bibliothèque et CDI : la classification, le catalogue, la signalétique, la brochure. Cela favorise le libre accès et l’autonomie du public. Mais la médiation humaine ne doit pas disparaître pour autant.

Le goût de lire ne vient pas que de la mise en présence des livres ; il faut aussi un échange, une rencontre.

La médiation suppose la neutralité et l’absence de jugement envers les publics (NB : et envers les collections).

« Dans les lieux du livre, la médiation est une fonction et non un métier, elle recouvre donc un double aspect, civique et culturel. » p. 12. NB : Cela tend pourtant de plus en plus à devenir un métier dans les intitulés de poste.

« Le but est de permettre à chacun de se construire, d’être acteur de sa vie citoyenne, personnelle et professionnelle et d’acquérir une culture. Ainsi la médiation culturelle consiste à susciter l’envie, à donner les moyens d’accéder aux pratiques culturelles et artistiques dans tous les domaines, à faciliter l’accès à l’art par la mise en place d’actions spécifiques vers des publics définis. » p. 13

Il faut savoir choisir les livres, les professionnels, qui correspondent à des fonctions différentes :

  • Accompagner des moments (par exemple l’accueil de classe)
  • Faire écho aux principales questions personnelles ou sociétales
  • Confronter plusieurs points de vue
  • Construire les savoirs
  • Sensibiliser à la lecture
  • Revisiter les grands classiques
  • S’interroger sur l’auteur (biographie, style, etc.)
  • Etudier les livres plus en détail
  • Faire un lien avec le vécu
  • Faire rêver

La médiation du livre signifie :

  • Toujours s’interroger sur la pertinence et la permanence des documents dans le respect des lecteurs
  • Trouver l’équilibre dans le conseil entre liberté et prescription
  • Privilégier un espace, un lieu propice à l’échange et aux rencontres parfois inattendues, pour que la médiation se fasse au quotidien ou parfois de manière plus démonstrative

Le médiateur est quant à lui une « sorte d’expert en transmission qui cherche à accueillir la collaboration de l’autre, à attirer de nouveaux usagers, à constituer des réseaux. » p. 14. C’est un « passeur ».

Par sa place, il tend à la neutralité, mais l’implication professionnelle remet cette neutralité en question.

« Les choix se porteront sur les langages, les techniques de régulation et les dispositifs de médiation en fonction de l’effet recherché sur les comportement mais aussi, de manière symbolique, pour permettre la diversité des rencontres. » p. 14

Pour certains adultes, ils ressentent déjà, mais ont encore besoin de la médiation pour se distancer des émotions et ainsi comprendre la raison de leur ressenti.

Les premiers médiateurs sont la famille ou les proches, ce qui pose problème quand il n’y a pas de lecteurs alentours.

« Les médiateurs proposent des choix, des sélections, des guides avec des critères particuliers en fonction de la réception par les types de publics visés. Il doit ainsi bien connaître la culture des jeunes et des autres publics, bien connaître les œuvres et éclaircir le problème de la compétence et de la légitimité. » p. 14

« ni négociateur, ni arbitre, ni décideur, ni sauveur […]. La médiation permet la recontextualisation et la mise en relation. » Hélène Trocmé-Fabre, J’apprends donc je suis, Ed. l’Organisation, 1994.

Les lieux du livre sont connus de tous (même si la définition que chacun a de la bibliothèque n’est pas toujours exacte), mais ça ne fait pas tout pour la fréquentation : l’implantation géographique (dans un établissement ou un quartier), l’architecture (taille et aspect qui peuvent effrayer ou rassurer), l’aménagement (des lieux ou des meubles).

« Une autre tendance consiste à offrir des œuvres « passerelles » de qualité moyenne mais amenant les usagers vers des œuvres plus complexes. » p. 16.

Mais le fonds dit beaucoup sur l’image du lieu pour les usagers : une littérature trop féminine, des rayons trop serrés, etc., peuvent faire fuir les lecteurs.

« Les lieux du livre proposent une organisation des connaissances, suggérant des cheminements au sein desquels l’usager découvre et perçoit de multiples significations. Il va ainsi se créer des parcours de lecteur en choisissant tel livre, en évitant tel auteur, en recherchant un genre littéraire en particulier… Cette liberté de circuler au cœur de la proposition intellectuelle, le gestionnaire ne peut en avoir qu’une intuition. Mais c’est en ayant conscience que l’usager s’approprie et détourne le dispositif mis en place que le gestionnaire du lieu parviendra à concevoir une médiation propre à susciter l’envie chez l’usager. Ainsi, en amont, le médiateur doit créer des espaces (tel emplacement pour les romans, tel emplacement pour les nouveautés), tisser des liens entre les ouvrages (proposer des sélections, offrir des « coups de cœur »), prévoir des lieux d’échanges… L’enjeu est de provoquer chez le lecteur, une envie de se confronter à des dispositifs qui lui sont étrangers mais qui ont été créés pour lui et qui cherchent à l’impliquer. Ceci suppose que le médiateur s’attache, à certains moments, à mesurer les pratiques des usagers. » p. 17

Certaines choses peuvent aussi bloquer la venue en bibliothèque : les règles imposées sont parfois insupportables pour les adolescents et enfants, et a contrario trop de laxisme peut faire fuir certains adultes, des demandes trop personnelles lors de l’inscription peuvent aussi avoir cet effet : il faut donc étudier les usagers et leurs pratiques pour s’adapter au mieux.

L’animation est un terme parfois abandonné au profit d’ « action culturelle » ou « médiation ». C’est « la mise en place de moyens privilégiés pour mettre en valeur les livres dans le but d’habituer les usagers à considérer le livre comme inséparable de leur vie. » p. 18 Elle sert donc à permettre à l’usager de plus s’approprier le livre, et au non-lecteur de se familiariser au lieu et à l’objet.

« Cette […] démarche implique […] de trouver des relais, d’explorer tout ce qu’on peut proposer et pour cela il faudra se concentrer sur le « public », l’usager, le lecteur en répondant à ses attentes mais aussi en le surprenant. » p. 18

« La lecture est un acte de communication différée, du fait que l’auteur et le lecteur dont éloignés dans l’espace et le temps. Le texte est un objet autonome et fermé sur lui-même, il est coupé de son contexte d’origine, il crée lui-même son univers de référence. Il y a donc une pluralité d’interprétations, en même temps qu’une dimension universelle.

Il existe une lecture linéaire et une relecture où le texte n’est pas que surface, il est volume, fait de connexions qui ne sont apparentes que lors de la deuxième lecture, ce qui procure des plaisirs renouvelés. C’est ainsi que Roland Barthes qualifiait le texte de « pluriel ». » p. 19

Une bonne lecture est un partage réussi d’émotion et de savoir, entre lecteurs, ou de l’auteur au lecteur.

La lecture fait appel aux connaissances sur la langue, sur les précédents écrits, sur la culture générale, et demande un travail sur les sens (approché, reconnu, pressenti, espéré ou redouté) pour analyser / comparer / identifier / argumenter.

« L’acte de lire a une fonction signifiante et une fonction distrayante. […] La lecture est une activité intime, subjective mais c’est aussi une pratique sociale, avec ses usages. C’est donc une situation paradoxale. » p. 19

Pour les adultes, la lecture est intime et partager ensuite dessus permet d’apporter une sociabilité ; pour les enfants en revanche, le plus important c’est le temps de lecture et le plaisir, et il faut alors l’articuler pour les inclure dans le groupe social.

P. 20 : « Les raisons de lire peuvent être multiples : il peut y avoir une lecture éthique où le lecteur cherche à se former et à s’informer sur quelque problème de la vie, une lecture qui permet un apprentissage des relations familiales et de la révolte adolescente, une lecture qui offre des expériences des drames modernes, une lecture nourrissant les rêves, l’imagination et les besoins de la sensibilité, une lecture qui permet la plongée dans des mondes imaginaires, ou encore celle qui joue avec la peur et l’horreur. Autant de lectures, autant de lecteurs.»

La lecture permet une libération de l’imaginaire, une modification du regard du lecteur sur le monde, de renouveler la perception des choses, de mettre en lumière les lectures passées, c’est aussi un jeu de rôle et de règles qui permet d’intégrer les conventions, les codes ; cela permet aussi d’informer de façon ludique et agréable, de faire évoluer les mentalités et les consciences, et de transmettre, cela permet au lecteur d’avoir une réalité fictive pour tester une situation qui pourrait possiblement devenir réelle.

Il existe autant de lecteurs différents que de lectures, même si on peut retrouver par moments des affinités, des goûts communs, etc.

Se questionner personnellement permet d’interroger nos actions professionnelles :

  • Quels sont les lieux rattachés à la lecture ? La bibliothèque, la maison, le CDI, l’école… ?
    • Où doit-on donner accès au livre ?
  • Quels sont les moments de lecture ? En semaine, durant le week-end, les vacances, le mercredi uniquement ?
    • Et alors quand doit-on ouvrir ? Le samedi ou pendant les vacances ? Quelle politique de prêts conviendra au mieux à la majorité ?
  • Quelles personnes me font la médiation ?
    • Par là, quelles personnes relais pourraient être intéressantes pour un partenariat ou une médiation hors des habituelles.
  • Dans quelle posture lis-je ou de quel mobilier suis-je entouré (dans le lit, à un bureau, sur le canapé, dans la cuisine, etc.) ?
    • Comment organise-t-on les espaces dans la bibliothèque (et de même en bibliothèque hors les murs) ?
  • Quels livres m’ont marqué et donné envie de lire ? Comment me les lisait-on ?
    • Quel type de médiation privilégier ?
  • Quand ai-je voulu lire seul(e) et individuellement ? Quand ai-je ressenti le besoin de partager mes lectures ?
    • Cela éclaire sur les pratiques de lecture, et l’on peut s’appuyer sur ces réponses pour envisager comment répondre aux attentes des lecteurs
  • Quelle est ma démarche pour aller vers le livre ? Je regarde ce qu’on me prescrit ou je fouille jusqu’à trouver mon bonheur ?
    • Comment agir vis-à-vis des usagers ? En accompagnant ou en laissant libre les visiteurs ?
  • Comment fais-je la médiation et à quels supports (des médias, les amis, etc.) suis-je sensible ?
    • Comment chercher et comment transmettre ?

Mais il faut faire attention : notre expérience n’est pas la seule possible, et il ne faut pas omettre d’autres pratiques ; ces questionnements donnent seulement des pistes de travail.

« Les pratiques culturelles des Français sont plutôt favorisées par des médiations privées, informelles et intimes. » p. 24

50% des Français prêtent ou empruntent des livres (entre amis avant tout, on ne parle pas forcément ici uniquement d’emprunt en bibliothèque).

70% échangent sur leurs lectures.

Les jeunes sont plus nombreux à ne pas lire, et 58% des garçons sont des non-lecteurs, contre 34% des filles. Ces informations sont tirées de l’étude de Josée Lartet-Geffard (Roman pour adolescents : une littérature de passage, Sorbier, 2005).

Les pratiques varient suivant le sexe, la réussite scolaire et l’origine sociale.

En littérature jeunesse, on distingue quatre catégories : les livres miroirs, les initiatiques, les dérangeants et les engagés. On remarque aussi que ces livres s’inspirent plus des genres réalistes, fantastiques ou fictionnels parce qu’ils interviennent au moment de la découverte de la lecture plaisir et de la lecture impliquée.

« De manière plus contemporaine, on assiste à plusieurs phénomènes : des périodes adolescentes qui n’en finissent pas, le marché du livre qui tend à devenir une industrie culturelle, des petites maisons d’édition qui se spécialisent dans des pratiques éditoriales ciblant très précisément la jeunesse et des grandes maisons qui souhaitent toucher un public plus large, qui ne mentionnent plus les âges et cherchent à séduire aussi les jeunes adultes. Aujourd’hui, la littérature de jeunesse se caractérise par un large choix de collections ciblées, ce qui n’empêche pas les jeunes de faire éclater les frontières en « piochant » aussi dans d’autres types de littérature, ceci alors même que plusieurs auteurs notent une certaine standardisation des goûts et des pratiques culturelles. » p. 27

Egalement p. 27 : « Des différences entre la lecture prescrite (obligatoire, contrainte) et la lecture plaisir (bien-être, choix) continuent d’exister, mais la littérature jeunesse entre de plus en plus au collège. Ne risque-t-elle pas, en ce cas, de devenir prescrite et, de ce fait, de perdre l’attrait qu’elle a aux yeux des jeunes ? »

Conception et réalisation d’une animation

La communication est très importante, à la fois pour attirer le public et pour faire connaître nos actions. Il faut donc soigner le plan de communication.

De même pour le financement. Cela comprend : la rétribution des intervenants, les subventions régionales ou nationales, le budget nécessaire en interne.

Il faut aussi penser aux partenaires, ce qui enrichit l’animation et ouvre le champ d’action (et donc attire plus les financeurs).

Pour réaliser une animation, il faut mettre en place :

  • Un comité de pilotage, et donc identifier le(s) porteur(s) du projet
  • La conception du projet. Définir les objectifs, rechercher les informations et la documentation, réaliser un état des lieux (ce qui a déjà été fait, les atouts et les contraintes des lieux), garder un œil sur ce qu’il existe dans le domaine voulu, cibler le public, identifier les acteurs principaux et les partenaires, prévoir le budget et la communication
  • Des partenariats

Après réalisation, il faut évaluer et faire un bilan (pour justifier le budget ou améliorer les soucis) : le nombre de participants, l’impact de l’événement, l’impact sur la vie en bibliothèque, les échanges, la fidélité des participants aux autres activités.

La communication sert aussi si d’autres structures veulent reprendre l’animation ou l’idée.

Communiquer autour d’une animation signifie qu’il faut l’orienter suivant la cible. On peut envisager deux types de communication : à court terme pour prévenir d’une animation et à long terme pour fidéliser le public. Il faut aussi bien songer aux lieux de communication, aux points stratégiques.

Mais il ne faut pas préjuger d’un public potentiel, mais plutôt « s’appuyer sur ceux qui sont déjà familiers du livres pour en sensibiliser d’autres » (p. 36).

Il faut varier les supports de communication pour toucher un public plus large : affiche, invitation papier, dépliant, flyer, marque-page, site internet, etc. De même avec les modes de diffusion : par courrier, par mail, par un site internet, par affichage. Les partenaires de communication peuvent être les bibliothèques, le centre régional du livre, les librairies, les commerçants proches, les collectivités locales, les associations, les lieux de regroupement (clubs, MJC, cinémas), la presse, etc.

Lorsqu’on prépare le budget, on doit aussi compter dans les dépenses les charges valorisées (dans le cas des personnels fonctionnaires, c’est l’évaluation du temps de travail, avant, pendant et après l’animation).

Catalogue d’animations

NB : je n’ai pas récapitulé ici toutes les animations proposées par les auteurs, mais uniquement celles qui me paraissaient pertinentes et non habituelles.

L’exposition autour d’un livre

Les objectifs sont de susciter la curiosité et l’intérêt, de sensibiliser à la lecture ou à un genre particulier, de brasser le fonds.

P. 58, synthèse (cliquez sur l’image pour une meilleure définition) :

Synthèse de l'exposition autour d'un livre

Le Caddie de livres

Sortir de la bibliothèque pour aller à la rencontre des lecteurs, qui ne sont pour certains pas usagers. On prend pour cela un caddie, une brouette, une poussette.

Les objectifs sont de changer l’accès au livre, de faire de la médiation hors les murs, et d’augmenter la fréquentation.

Il faut prévenir du passage en amont, par de la communication. Le médiateur doit bien connaître son lot et pouvoir en parler, ainsi qu’avoir le droit de sortir de sa bibliothèque. Il faut aussi prévoir une communication sur place que les lecteurs pourraient emporter à propos de la bibliothèque. De même, il faut que le médiateur ait la capacité à pratiquer du prêt sur place.

P. 61, synthèse (cliquez sur l’image pour une meilleure définition) :

Médiations p 61

L’attentat littéraire

Cela correspond pour les auteurs de cet ouvrages aux livres voyageurs, ce mouvement qui consiste à laisser un livre à un endroit lambda dans l’espoir qu’une personne (inconnue) le ramasse par curiosité.

Par contre, dans Blue Cerise de Cécile Roumiguière, Sigrid Baffert, Jean-Michel Payet et Maryvonne Rippert (éditions Milan, en quatre volumes), on appelle « attentat littéraire »  le fait de mettre au hasard des pages et des livres des extraits d’autres livres, ou des poèmes. Cela fait entrer en résonnance, ou en discordance, différents textes de manière imprévue et impromptue.

La bourse aux livres

L’échange ou la vente à bas prix de livres. Ceux de la bibliothèque (comme le fait la médiathèque de Poitiers), ou ceux des particuliers (comme l’organise par exemple la bibliothèque de Montamisé). 

L’arbre à poèmes

P. 70, synthèse (cliquez sur l’image pour une meilleure définition) :

Médiations p 70

Autre

Permettre aux lecteurs de laisser des messages, ou leurs avis, dans les livres.

 

NB, pour conclure : Le problème de ce livre, de mon point de vue, est qu’il est fait par des documentalistes, et donc orienté pour les CDI plus que pour les bibliothèques municipales. Même si, bien évidemment, certains aspects sont similaires ou proches, rendant certaines propositions utilisables.

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