Les livres de René Girard bénéficient d'une réédition permanente en
format poche et sont donc largement disponibles.
Mensonge
romantique et vérité romanesque, Grasset, 1961
Il faut impérativement commencer la lecture de Girard par ce premier
livre, même s'il n'est pas obligatoirement le plus accessible. C'est là
que le mécanisme du désir mimétique est entièrement révélé et démonté.
Beaucoup de choses qui seront abordées par la suite, notamment dans
l'anthropologie de
La violence et le sacré, ne pourront être
correctement appréhendées que si l'on a bien saisi les rapports
composant le triangle sujet-modèle-objet, la façon dont Girard envisage
la médiation interne, la transfiguration de l'objet, la contagion des
rivalités et l'effondrement des différences.
Mensonge romantique,
vérité romanesque est le fondement théorique incontournable de
l'oeuvre de René Girard, mais c'est aussi un époustouflant et novateur
exercice de critique littéraire.
DostoÏevski
: du double à l'unité, Plon, 1963
Il y a un
cas Dostoïevski qui passionne René Girard. Le triangle
mimétique et l'omnipotence du rival peuplent la totalité de l'oeuvre de
l'auteur de
Crime et Châtiment. En suivant pas à pas la vie et
l'oeuvre, René Girard montre comment Dostoïevski - à compter des
Mémoires écrits dans un souterrain - dégage progressivement la
parfaite identité des doubles. C'est ce lent travail de la connaissance
de la méconnaissance qui est mis à jour par Girard jusqu'à la
rédemption des
Frères Karamazov. L'essai fait partie à présent
du collectif
Critique dans un souterrain.
La
violence et le sacré, Grasset, 1972
Les hypothèses mises en lumière à partir du romanesque dans
MRVR
peuvent-elles être retrouvées dans les textes les plus anciens de
l'humanité ? Prenant appui sur la tragédie grecque, René Girard va
dégager l'identité entre violence et mimésis. Dès lors, comment les
hommes ont-ils pu échapper à la circularité exponentielle et
destructrice de la vengeance ? La réponse de René Girard est sans
équivoque : en retournant la violence collective née d'une crise
paroxistique des différences sur un seul, la
victime émissaire
et en investissant cette dernière, à la fois de la responsabilité de la
crise et de sa résolution, créant ainsi l'ambivalence du sacré. Ouvrage
bien entendu incontournable puisque Girard nous y propose une
explication simple de la création de l'humanité par elle-même, tout en
dégageant deux nouvelles hypothèses riches de développements
futurs : la crise sacrificielle et le principe de méconnaissance,
qui conditionne l'efficacité du mécanisme victimaire.
Critique
dans un souterrain, L'Age d'Homme, 1976
Ce livre réunit l'ensemble des critiques littéraires de René Girard
depuis la publication de
MRVR, y compris le long essai sur
Dostoïevski édité précédemment chez Plon. Une nouvelle lecture de
L'Étranger et sa mise en relation dynamique avec
La Chute
lui permet de proposer une autre approche d'Albert Camus, très éloignée
des schémas classiques d'explication. On y trouve également une
recension très critique de l'ouvrage de Deleuze et Guattari
L'anti-Oedipe.
Des
choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1978
Ce livre d'entretiens est d'abord un complément de l'anthropologie
développée dans
VS. René Girard revient sur les aspects les plus
contestés de sa théorie générale de la culture, éclairant ainsi
certains passages de
La violence et le Sacré, ouvrant également
de nouvelles voies aux hypothèses mimétiques. Il est aussi le livre
dans lequel René Girard entend démontrer la spécificité du message
évangélique, longuement préparé par l'Ancien Testament. La prédication
du Christ serait la seule à avoir dévoilé l'origine violente de
l'humanité et sa perpétuation culturelle. L'échec de la prédication et
la Passion, qui sacrifie le plus innocent de tous, ouvrirait la voie à
la lente connaissance de la méconnaissance du mécanisme victimaire. A
mon avis, c'est un livre extrêmement difficile, susceptible de
perturber gravement des lecteurs qui n'auraient pas pris le soin de
lire et comprendre au prélable
MRVR et
VS.

Les livres de René Girard bénéficient d'une réédition permanente en format
poche et sont donc largement disponibles.
Le Bouc émissaire, Grasset, 1982
En étudiant les textes dits "de persécution", René Girard montre le lent travail de décomposition de la méconnaissance imputable selon lui à la révélation évangélique.
Dans ses premiers chapitres, c'est un ouvrage extrêmement polémique, où Girard répond à un certain nombre de critiques apparues à la lecture de
VS mais surtout de
DCC.
En cela,
Le Bouc émissaire qui, pour beaucoup, a été le point d'entrée dans l'œuvre de René Girard, me paraît être un livre susceptible de faire passer le lecteur à côté
de l'essentiel si l'on commence par lui. Ceci explique peut-être, en grande partie, l'orientation des intérêts et débats actuels vers la seule problématique évangélique, au détriment du travail théorique accompli dans
MRVR et
VS.
La Route antique des hommes pervers, Grasset, 1985
René Girard déconstruit l'histoire de Job telle qu'elle nous a été rapportée par la Bible. Sa
nouvelle lecture permet de mettre en lumière les composantes désormais classiques de la
crise sacrificielle et de la victime émissaire. L'histoire de Job est exemplaire car celui-ci, victime émissaire
dans une situation assez semblable à celle d'Œdipe, refuse d'épouser le discours de ses persécuteurs, brisant ainsi l'unanimité violente
indispensable à l'efficacité du mécanisme victimaire. Par la "réévaluation" de cette
figura Christi, incomprise dès l'origine par
des chercheurs qui sont une nouvelle fois malmenés par notre auteur, René Girard réaffirme la spécificité du message judéo-chrétien dans
ce nouvel affleurement d'un
Logos non violent, celui du Dieu des victimes.
Shakespeare : les feux de l'envie, Grasset, 1990
Dans le cas de Shakespeare, comme le note René Girard dès les premières pages de cet ouvrage, contentons-nous de suivre le poète.
Ce dernier a placé le désir
explicitement mimétique au cœur des
Deux gentilhommes de Vérone et
Le viol de Lucrèce, qui ouvrent cette incroyable lecture.
Dans la suite de son œuvre, Shakespeare aurait préféré dissimuler sa connaissance du désir médiatisé, la plaçant à un autre degré de lecture de ses pièces. C'est à cette lecture que
nous convie René Girard, renouant ainsi avec ses grandes analyses littéraires. C'est un livre... d'une élégance rare.
Quand ces choses commenceront, Arléa, 1994
Ce court livre d'entretiens n'apportera pas grand chose aux lecteurs assidus de l'oeuvre et il est à déconseiller comme
point de départ pour l'oeuvre de René Girard, même s'il se présente comme un excellent résumé.
Vous pourrez compléter cette bibliographie avec les derniers ouvrages édités (que je n'ai pas lu) sur le site de Jean-Paul Kornobis :
Site Violence & Sacré.
Autour de René Girard
L'enfer des choses Jean-Pierre Dupuy et Paul Dumouchel, Seuil, 1979
Je crois qu'il s'agit d'un livre aussi important que
MRVR ou
VS dans le sens où, pour la première fois, deux
auteurs, dont les approches et les champs d'intervention sont différents de ceux de Girard, font fonctionner l'hypothèse mimétique.
En investissant le champ de l'Économie, Dupuy et Dumouchel montrent l'efficacité et la pertinence de la seule hypothèse
du désir médiatisé. En analysant la
rareté comme médiation externe et violence se substituant au sacré, ils donnent une lecture de la modernité
tout en apportant une réponse concluante à une des difficultés majeures de
VS : comment notre monde moderne n'implose-t-il pas sous le coup des désirs concurrents généralisés ?
René Girard et le problème du mal, Grasset, 1982
Un ensemble de textes réunis par Jean-Pierre Dupuy et Michel Deguy qui apportent un éclairage souvent critique sur le travail de Girard.
L'introduction à
la lecture de René Girard de Christine Orsini est un petit chef d'œuvre dont l'émerveillement est contrebalancé par les
Onglets de lecture de Deguy qui
le suivent immédiatement. Passionnante également la contribution de Dupuy
Mimésis et morphogénèse qui tente de comprendre comment une hypothèse aussi simple est
capable d'engendrer la complexité.
Violence et vérité - Actes du colloque de Cerisy, Grasset, 1985
C'est un ouvrage passionnant, vivant, où ne manquent pas les contributions critiques qui permettent à René Girard de
préciser, à chaud et parfois sans y réussir, tel ou tel point de son cheminement intellectuel. La
contribution finale de Girard sur le
Dieu est mort... de Nietzsche nous rappelle à quel point notre auteur est un
lecteur
extraordinaire.
Toutefois,
Cerisy montre, à qui acceptera de le voir, les pièges, les limites et les impossibilités
des hypothèses girardiennes hors de la foi et dans une conception finalement très "catholique-romaine" du sacrifice. Ce que
notre auteur n'admettra malheureusement que vingt ans plus tard, du bout des lèvres et en faisant comme si cela ne remettait pas
en cause ses thèses. Dommage...